Fil de navigation UIB

Minute culturelle

 

À chaque rupture du jeûne, durant le mois de Ramadan, ce sont les mêmes gestes inaltérables et nostalgiques. Des dattes, un peu d'eau, une soupe puis les douceurs qui seront déclinées tout au long de la soirée.

Un peu de "degla" pour la rupture du jeûne

C'est une tradition que de rompre le jeûne avec une datte bien mielleuse et charnue. Avec les figues et les olives, le fruit du palmier est paré d'une aura mythique, quasiment sacrée. Ne dit-on pas que le Prophète lui-même, rompait son jeûne avec des dattes ? Chaque jour, quelques dattes. Elles sont innombrables et portent des noms précis selon leur taille, leur texture ou leur couleur. Sur nos tables de Ramadan, à leur manière, ces dattes apportent une touche de spiritualité, surtout celles de la variété "Nour". Ce dernier mot signifie "lumière" et la "degla"de cette famille est carrément translucide. Il suffit de placer la datte dans la direction d'un rayon lumineux pour pratiquement en voir le noyau enrobé de miel et de lumière. Légères, nourrissantes et appétissantes, les dattes sont le viatique de tout jeûneur et sans les régimes de "degla" en branches, nos mois de Ramadan ne seraient plus tout à fait les mêmes.

Les tentations pâtissières

L'expression "Haja Hloua" signifie littéralement "quelque chose de sucré". Elle évoque bien évidemment la propension que nous avons durant le mois saint, à être obnubilés par nos traditions pâtissières. De fait, les desserts du Ramadan sont à nuls autres pareils. Riches, divers et multicolores, ils accompagnent les longues soirées familiales. De nombreuses préparations traditionnelles n'apparaissent que durant le Ramadan. Ce sont alors les zriga, bouza et droo qui sont presque au quotidien sur nos tables vespérales. De même, mahkouka, mhalbia et rfissa se font désirer pour leurs saveurs relevées par un subtil parfum de fleur d'oranger. Passée la première quinzaine de jeûne, les familles commencent à préparer les gâteaux de la fête de l'Aid. C'est un travail de patience qui commence par les kaak et makroudh, passe par le mlabess et le homs pour culminer avec la baklawa. Dans le temps, tous ces gâteaux étaient faits à la maison dès que la pleine lune montait au ciel, annonçant le deuxième versant du mois saint que nous égrènons entre deux croissants et un plateau de pâtisserie.

La saveur du mesfouf

La saveur subtile du "mesfouf" fait de ce couscous, une préparation à nulle autre pareille. Ce mesfouf est un couscous sans sauce qui est proposé avec du lait et du sucre en poudre tout simplement, ou bien avec des fruits de saison. Ainsi, s'il est classique de déguster un mesfouf aux dattes, ce plat est également très apprécié avec des grenades, du raisin ou d'autres fruits. Surtout consommé durant le mois de Ramadan, il constitue un plat de céréales très prisé au petit-déjeuner ou bien une collation parfumée à l'eau de fleurs d’oranger. Au Maroc et en Algérie, notre mesfouf porte le nom de "seffa" et répond aux mêmes caractéristiques d'un plat typiquement nord-africain.

La bsissa, cet autre incontournable

Qu'on la nomme bsissa ou zommita ou autre chose, cela revient au même. Car il s'agit toujours de notre succulente farine d'orge ou de blé. Certains utilisaient une farine de caroube, de sorgho ou de lentilles mais ils sont désormais trés rares. Toutefois, tous mêlaient cette farine avec des grains d'anis, des pois chiches ou de la marjolaine. La nostalgie est grande pour ces bsissa et helba de nos enfances qu'on délayait dans l'eau ou que l'on pétrissait avec un peu d'huile d'olive.

"Moussem" festif et lunaisons

Plusieurs célébrations ponctuent le mois saint du Ramadan. Elles peuvent être liées aux coutumes et usages ou bien avoir une signification rituelle. Dans la langue tunisienne, ces célébrations sont désignées par le terme de "moussem". D'ailleurs, elles ne concernent pas seulement le mois du jeûne puisque les journées considérées "moussem" s'étalent tout au long de l'année. Dans certaines familles, tous les jeudis et les vendredis de l'année sont vécus sur ce mode du "moussem" et impliqueront le respect de certaines traditions dont le jeûne fait partie. En effet, beaucoup de Tunisiens jeûnent plusieurs fois au cours de l'année et le font surtout en lien avec Ramadan. Ainsi, plusieurs personnes respectent au moins deux jours de jeûne durant les mois qui précèdent Ramadan, notamment ceux de Joumada, Rejeb et Chaabane. Le quatorzième jour de Ramadan est un "moussem" festif. Dans le langage courant, on parle de "lilet al nosf" c'est à dire de la "veille de la moitié" en se référant à l'autre quinzaine qui reste. À partir de ce quatorzième jour, les regards se tournent déjà vers la fête de l'Aid mais le jeûne n'a pas dit son dernier mot puisqu'il va culminer au vingt-septième jour de Ramadan avant de se terminer lentement. Le "moussem" du quatorzième jour est à nos portes et, comme chaque année, il sera accueilli avec faste et, surtout, dans la joie d'une première quinzaine de jeûne accomplie.