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Minute culturelle

 

Le monde des arts vient de perdre une véritable icône en la personne de Adel Megdiche, décédé ce jeudi 27 janvier 2022. Né en 1949, cet artiste qui a souvent été qualifié d'inclassable n'avait que 71 ans, beaucoup de rêves et une formidable carrière derrière lui. C'est au milieu des années soixante-dix que Adel Megdiche s'est fait connaître en participant à des expositions de groupe aux galeries Irtissem et Attaswir. Résolument moderne, tourné vers l'expérimentation, ce diplômé de l'école des Beaux-arts de Tunis, avait alors rejoint le fameux Groupe des Six et son projet novateur. Luttant pour instaurer une modernité artistique qui soit indépendante du giron de l'École de Tunis, Adel Megdiche a d'abord été un agitateur culturel, un protestataire prônant les idées neuves face à la convention.

Ce parcours le mènera vers de nombreuses synergies. Il sera l'un des pensionnaires de la Cité des arts à Paris. Il accomplira aussi un voyage de deux ans au Maroc qui constituera un cap important dans son travail artistique. C'est au milieu des années quatre-vingt qu'il se tourne vers le patrimoine sous toutes ses formes. Après une collection en noir et blanc consacrée à la Geste hilalienne, il va investir des univers mythologiques à partir de son atelier installé à Soliman. Se partageant entre l'enseignement et la création, Adel Megdiche a eu une contribution décisive dans la construction des espaces picturaux imaginés par Abderrazak Chraiet à Tozeur. Dans un style à la fois épuré et exubérant, l'artiste a ensuite obéi à un dispositif créatif reconnaissable entre tous. Avec ses figures féminines éthérées, son recours à la lettre arabe, ses personnages évanescents et oniriques, Adel Megdiche méritait ce qualificatif d'inclassable.

Travaillant à cheval entre la science-fiction et les contes ancestraux, il faisait des incursions remarquables dans le monde de la bande dessinée et du space-opéra. De plus, il a toujours mis un point d'honneur artistique pour que ses œuvres soient d'une précision photographique, quasiment hyperréaliste. Sa palette des plus vives, les couleurs qu'il mariait comme Rimbaud remontait les fleuves impassibles, Megdiche restera un repère à la fois théorique et artistique. Son imaginaire foisonnant et son dessin toujours en mouvement mais pétri d'iconicité, font de lui un maître incontestable, porteur d'une vision débridée du monde, à la croisée des archétypes et de l'onirisme.

Paix à son âme, il a marqué de son empreinte nos cinquante dernières années et nous laisse un legs inestimable que ses anciens étudiants devenus aujourd'hui des maîtres à leur tour, sauront préserver, relayer, immortaliser.