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Minute culturelle

 

Date symbolique, le vingt-sixième coucher du soleil de Ramadan inaugure une nuit qui vaut plus que mille mois. Selon la tradition, cette nuit est paix et salut jusqu'à l'apparition de l'aube.  Laylat el Qadr est la Nuit du destin, celle durant laquelle le Coran a été révélé au Prophète par l'archange Gabriel. Dans les mosquées, les prières se poursuivent jusqu'à l'aurore ponctuées d'invocations et de demandes de miséricorde. Les fidèles ont pour usage de réciter la sourate Al Qadr. Selon la croyance, les anges descendent du ciel et la ferveur est à son comble en cette veille du vingt-septième jour de Ramadan qui touchant à sa fin, va basculer dans les jours de fête et de liesse qui accompagnent l'avènement de l'Aid.

 

Entre Ro'ya et Fitra 

 

Dans quelques jours, au vingt-neuvième coucher du soleil de Ramadan, l'heure sera à la "Ro'ya", ce rituel devenu une tradition inséparable du mois saint. En effet, partout dans le pays, des observateurs scruteront le ciel nocturne pour y déceler la naissance du nouveau croissant. Ensuite, tous les rapports d'observation seront centralisés auprès des services du mufti de la République. Ce dernier, au vu de ce qui lui a été transmis, annoncera la fête de l'Aid pour le lendemain ou le surlendemain. Deux hypothèses sont à considérer. Dans la première, les scrutateurs décèlent le croissant naissant et, dans ce cas, l'Aid est pour le lendemain. Dans cette configuration, le mois de Ramadan n'aura duré que vingt-neuf jours. Dans le deuxième cas, le croissant demeure invisible et nul ne peut se prononcer quant à l'avènement du nouveau mois hegirien. Dans cette configuration, Ramadan durera trente jours et le mufti annoncera l'Aid pour le surlendemain. De nos jours, le public reste suspendu à cette annonce qui sine die, ouvre la voie à une nuit festive ou à un nouveau jour de jeûne.  Le rituel de la Ro'ya (littéralement la vision ou l'observation) a été rétabli à la fin des années quatre-vingt et a toujours suscité un suspense bon enfant aux derniers jours de Ramadan. Quant à cette pratique de la Ro'ya, elle est immémoriale et se confond avec l'esprit même du calendrier lunaire selon lequel le mois nouveau coïncide avec la naissance du croissant.

 

Le temps des aumônes

 

C'est par raccourci que les Tunisiens désignent "zakat el fitr" par le diminutif de "fitra". Les deux termes désignent ainsi la même chose, c'est à dire l'aumône qui est distribuée aux pauvres à l'occasion de la fin du mois de Ramadan. Le montant de cette aumône est évalué par le grand mufti qui l'annonce ensuite de manière solennelle. Cette charité - c'est le sens exact du mot "zakat" - devra être donnée au plus tard avant la prière de l'Aid et peut l'être un ou deux jours avant. En général, c'est le chef de famille qui distribue cette aumône à sa discrétion et au nom de tous les membres de sa maisonnée. Il devra toutefois multiplier le montant annoncé par le mufti, en fonction du nombre de personnes à sa charge. Dans le temps, la "zakat el fitr" se calculait en rapport à quatre fois la quantité d'aliments courants que peuvent contenir deux mains jointes. Cette mesure reste à la base des calculs du montant à distribuer aux pauvres. Notons que le terme de "zakat el fitr" est plus approprié que celui de "fitra" surtout parce que ce dernier peut aussi prendre le sens de "ce qui peut pousser l'être humain vers la transcendance". Mais n'est-ce pas le propre de la sagesse populaire d'adapter le sens des mots et faire d'un terme théologique, un mot qui invite à la charité ?